Le Samadhi ou l’état de pure conscience

Samadhi Pada : sutras I.17 à I.19

Pour le sadhaka, disciple, le Samadhi est le but ultime de sa quête. Son corps et ses sens sont au repos comme dans le sommeil, mais sa pensée et sa raison sont vigilantes comme en état de veille, cependant il est au-delà de la conscience. Une personne dans l’état de Samadhi pleinement consciente et éveillée.

Le mot samādhi, tranquillité totale de l’esprit si on veut schématiser, a dans l’hindouisme, plusieurs significations: 1) le huitième et dernier membre du Raja Yoga (celui que décrit Patanjali) et du Hatha Yoga du Haṭha Yoga ; 2) l’état d’union avec le Dieu personnel ou d’absorption dans l’Absolu ; 3) l’état de supraconscience, passage sur l’un des plans de conscience supérieurs à l’état de veille ; 4) le monument funéraire d’un sage ou d’un saint.

Patanjali, qui parle de ce qu’on appelle Raja Yoga ou Yoga royal, décrit deux stades de samadhi, avec ou sans support et selon la nature de l’objet : le Samadhi Samprajnata et le Samadhi Asamprajnata

I.17 « Le Samadhi Samprajanata, dans lequel la conscience est encore tournée vers l’extérieur, fait appel à la réflexion , au raisonnement. Il s’accompagne d’un sentiment de joie et du sentiment d’exister »

Patanjali évoque le raisonnement et la réflexion, par conséquent, il y a un support sur lequel s’exerce la conscience. L’esprit ne se disperse plus, mais il est en harmonie avec l’objet sur lequel il est concentré. Cet accord total donne un sentiment de plénitude.

C’est le Samadhi avec support, et à ce niveau l’ego est encore là, sujet qui pense et qui ressent.

Selon une autre traduction : « L’état de samprjnata passe successivement par une saisie discursive, puis subtile, par la félicité, et par la pleine conscience de soi-même ». « Dans cette succession d’états d’union avec un objet, celui-ci ne change pas. C’est le psychisme du sujet qui change progressivement  devient transparent jusqu’à refléter avec pureté l’objet de concentration, comme si des filtres ou des voiles disparaissent l’un après l’autre »[1]. L’expérience de lecture d’un roman permet de comprendre cette démarche de samprajnata; l’objet est le roman et on peut expérimenter les différents états d’union avec l’ouvrage en fonction de notre implication personnelle, de l’état de notre mental, de notre psychisme,  par rapport à la découverte du texte, à la manière de rentrer dans le déroulement de l’histoire.

I.18 « Quand cesse toute activité mentale grâce à l’expérience renouvelée de cet état, s’établit le Samadhi, Asamprajnata, sans support. Cependant demeurent les mémoires accumulées (Samskâra ou imprégantions, empreintes, strates psychiques accumulées) par le Karma »

A ce stade, l’état d’unité, de pure conscience n’est que temporaire. « On porte encore en soi les graines du passé, qu’elles fassent partie de l’inconscient collectif ou de notre propre histoire, elles peuvent germer dès que les circonstances le permettent et déstabiliser à nouveau la conscience »[2].

« Le samprajnata précédent faisait l’objet d’étapes chronologiques. Instantané, celui-ci est la manifestation d’un état de paix, de clarté, de compassion. Le psychisme colle à la réalité. (…) Le mot imprégnation (Samskara)  désigne les conditionnements conscients et inconscients. Le yoga en différencie deux types : ceux résultant de pulsions négatives (II.15) et ceux positifs, issus de la pratique du yoga (I.50, III.10) »[3]. Mais on ne peut atteindre l’état de asamprjanta qu’après la pratique de samprjanata.

« Seule , une longue familiarité avec la pratique du yoga et la théorie de Patanjali, permet de savoir totalement que le citta (disons le mental) passe de l’une à l’autre (samadhi avec support et samadhi sans support) chaque fois qu’il lâche un contenu. Seule l’inexpérience généralement répandue empêche d’être conscient  d’un temps (si court soit-il) sans contenu du mental ». « le processus de la durée est entièrement perceptible à l’extrême fin du changement (S 1V.33) »[4].

 I.19 « De naissance, certains êtres connaissent le Samadhi. Ils sont libres des contraintes du corps physique, tout en étant incarnés »

« Méthode typiquement Patanjalienne : (..) Créer l’intérêt, développer dans l’esprit de l’élève la solution constructive immédiate, (…) pour ensuite exposer  les voies et moyens (…) Toujours amener le disciple à se transcender, toujours l’émerveiller ou, pour le moins , le surprendre en suscitant un intérêt renouvelé »[5]

Chacun reçoit la destinée qui lui est dûe de Dharma, l’ordre divin. Certains êtres possèdent de naissance la transparence de la conscience. Les autres ne peuvent l’atteindre que par l’effort et la pratique

Lien avec les sciences infirmières

Difficile dans cet article de faire un lien car aucun ne me paraît évident car atteindre l’état de Samadhi n’est pas à la portée de tout le monde et ce n’est d’ailleurs pas ce que, moi, je recherche dans ma pratique.

En revanche, je reviens sur ce qu’en dit Iyengar : « Une personne dans l’état de Samadhi pleinement consciente et éveillée. » Est-ce que cette histoire de pleine conscience a quelque chose à voir avec la pleine conscience ?

La pleine conscience est une expression désignant une attitude d’attention, de présence et de conscience vigilante, qui peut être interne (sensations, pensées, émotions, actions, motivations, etc.) ou externe (au monde environnant, bruits, objets, événements, etc.). C’est une notion indienne ancienne, samma-sati en palisamyak-smriti en sanskrit, l’« attention juste ». Associée à l’enseignement de Siddhartha Gautama, elle joue un rôle important dans le bouddhisme où la pleine conscience est une étape nécessaire vers la libération (bodhi ou éveil spirituel). Cette définition ressemble donc beaucoup à celle de Samadhi.

En revanche, l’appellation actuelle « pleine conscience » est la traduction française de mindfulness en anglais, désignation de Jon Kabat-Zinn pour distinguer l’état recherché dans une pratique thérapeutique d’une forme de méditation ayant pour but la réduction du stress ou la prévention de rechutes dépressives. Le  mot conscience est parfois jugé réducteur, en français on parle aussi de « pleine présence », de « présence attentive ». Les publications scientifiques sur le sujet sont de qualité inégale, reposant parfois sur des biais méthodologiques ou des conflits d’intérêt, mais des travaux recherches correctement conduits montrent des effets faibles à modérés sur le stress psychologique (anxiété, dépression, douleur), mais aucun effet significatif sur d’autres troubles. Un certain nombre d’effets indésirables peuvent même apparaître lors de cette pratique.

Aussi, j’ai envie de dire que Samadhi et le mouvement « pleine conscience » sont différents, même si dans les deux cas la méditation est utilisée.

Pour conclure, cet article est très axée sur la spiritualité. Or la spiritualité est un concept des sciences humaines qui a un lien très fort avec la philosophie, mais aussi avec les religions, ce qui en fait un concept souvent controversé. C’est pourtant un concept important des sciences infirmières, mais il en existe beaucoup de définitions très différentes selon les approches laïques ou religieuses. Cependant, toutes les définitions intègrent la personne, l’énergie, les croyances, les valeurs, la paix intérieure, l’harmonie, l’expérience subjective, la recherche du sens de la vie, la transcendance de soi, la foi, la réalité existentielle. Le concept est très utilisé dans notre pratique infirmière notamment en psychiatrie où certaines pathologie sont une dimension sociétale. Certains psychanalystes, dont Carl Jung ont d’ailleurs étudié les pratiques issues de certaines religions traditionnelles pour «guérir l’âme ». Nous avons tous rencontré comme infirmier des situations mettant à l’œuvre ce concept de spiritualité : annonce d’un diagnostic difficile, problème d’acceptation d’une maladie chronique, refus de soin pour des raisons religieuses,  soins palliatifs, accompagnement de fin de vie, non-respect de la dignité d’un patient…

[1] Bernard Bouanchaud, Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de Soi, Editions Agamat, Palaiseau 2003, p.42

[2] Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, p. 35

[3] B. Bouanchaud, op. cit. p.44

[4] Yves Durand D’Aragon, La Lumière sur le Yoga Royal, Le Courrier du Livre, Paris 1997, p.47

[5] Yves Durand D’Aragon, ibid. p.48

Bibliographie

Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, 217 pages

Bernard Bouanchaud, Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de Soi, Editions Agamat, Palaiseau 2003

Yves Durand D’Aragon, La Lumière sur le Yoga Royal, Le Courrier du Livre, Paris 1997

Author: sfl73_pass_Sa03Na08

DIPLOMES 1980 Diplôme d’Etat d’Infirmière 1996 Diplôme de Cadre de Santé 1998 DU de Soins Palliatifs 2007 DU Ethique Soins et Santé PARCOURS PROFESSIONNEL 1980-1983 Infirmière AU CHU de Rouen 1983-1995 Infirmière dans les services de Médecine et de Cure Médicale dans un Hôpital Local Faisant fonction de cadre à partir de 1989 Infirmière Coordinatrice du SSIAD rattaché à l’établissement en 1993 1996-2002 Cadre de Santé au CHU de Rouen dans différents services, de nuit puis de jour 2002-2005 Cadre de Santé en EHPAD dans un CH de la région Normandie, responsable de 6 unités de soins soit 167 lits et chargée de missions transversales (notamment la Gestion des Risques) 2005-2018 Cadre de Santé Formateur à l’IFSI du CHU de Rouen TRAVAUX REALISES: mise en place d'un SSIAD, Transmissions ciblées, Chef de projet sur la réalisation d'un film illustrant le protocole de pose d’une bande de contention veineuse et présentation dans différents congrès, évaluation de la prise en charge de la douleur, évaluation de l'éducation des patients sous AVK, référent SIIPS, Participation au groupe de travail sur la mise en place des CLAN (Comité de Liaison Alimentation Nutrition) à la DHOS, gestionnaire de risques, animateur d'un groupe d'évaluation dans le cadre de la certification, réalisation d'audits, participation à l'élaboration et à la réactualisation de protocoles de soins. PARTICIPATION AUX INSTANCES: Conseil d’Administration, Commission de Soins, CLAN.

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