La voie à suivre (voie de la pratique) et la voie de l’abandon à Dieu

Ce chapitre va certainement vous sembler très axé sur la spiritualité, mais n’y voyez aucun prosélytisme. Il ne s’agit ici que d’une analyse des sutras de Patanjali à partir des traductions qui en ont été faites. Lorsque les mots Dieu, Seigneur…..apparaissent, il ne désignent que le concept d’un être ou d’une force suprême qui structure l’univers et ne font pas référence à un système de croyances donnée.

Samadhi Pada : sutras I.20 à I.29

I.20 « Les autres connaissent le Samadhi grâce à la foi, l’énergie, l’étude et la connaissance intuitive »

« Le mot straddha signifie la foi. Foi dans le yoga et dans celui qui le transmet. C’est aussi la confiance en soi comme en toute autre personne et dans la vie. Cette foi est innée ; elle pousse le bébé à se relever,   (..) l’amour, le climat de confiance créé par les parents renforcent la confiance de l’enfant qui sera alors sûr de lui et rempli d’énergie pour agir : il est courageux »[1]. Foi dans le yoga, foi dans la vie, ne peut progresser qu’avec le climat de confiance d’amour de ceux qui nous entourent. A nous aussi de créer ce climat pour les autres.

I.21 « Il est accessible à ceux qui le désire ardemment »

 Nous retrouvons la notion de ferveur dans la pratique déjà évoquée dans d’autres aphorismes.

I.22  « Mais même dans ce cas, il y a une différence selon que la pratique est faible, moyenne, ou intense ».

Il s’agit d’une reprise du sutra 14. Patanjali insiste sur le sérieux, l’engagement de la démarche de connaissance de soi (sadhana).

I.23 « Ou bien, grâce à l’abandon au Seigneur »

Pour certains, plus religieux, le lâcher-prise est plus facile, en passant par cet acte dévotionnel de soumission à la volonté divine. « Patanjali, qui connaît le cœur des hommes dans leur diversité, ne néglige pas cette approche du réel »[2].

« Une alternative au double moyen précédent, la pratique persévérante et le non attachement (I.12). ».

« Le sutra 23 a amené l’acceptation du moyen transcendantal, cité le dernier, méthode permanente de Patanjali, celui qui englobe et couronne tous les autres sur la voie : consécration au Seigneur Isavara-pranidhana »[3].

I.24 « Ishavara (Seigneur) est un être particulier extraordinaire (purusha-vishésha) qui n’est pas affecté par la souffrance (klésha), l’action (karma), son résultat (vipaka) et les traces (âshaya) qu’elle peut laisser ».

« L’adjectif purusha vishésha est employé pour montrer qu’Ishavara et le Soi sont la même chose »[4]. Ishvara est d’essence divine et n’est pas lié par la loi de la cause et de l’effet au contraire des humains soumis à la loi du Karma.

En Advaita Vedānta, Ishvara (ou Isvara) est la forme de l’Âme Cosmique (Brahman, qui est sans attribut) qui est manifesté sur la psyché humaine. Cette manifestation peut être comprise métaphoriquement comme le reflet de l’Âme Cosmique sur le miroir d’illusion (Māyā) pour faire apparaître l’Âme Cosmique comme Dieu. Dans les autres écoles, il n’y a pas de différence entre Brahman et Ishvara.

 I.25 « En lui est le germe d’une conscience sans limites ».

« L’Existence-Connaissance-Félicité Absolue est Sa nature »[5]. Une conscience sans limite est quelque chose que nous ne pouvons concevoir.

 I.26 « Non limité par le temps, il est le maître spirituel des anciens eux-mêmes ».

Autre traduction proposée par Swâmi Sadânanda; « Ishavara est même le guru des premiers nés de l’origine (Brahmâ et les autres dieux) ; il est inconditionné par la durée (le temps) ». « Etant l’ ’Existence-Connaissance-Félicité Absolue, Ishavara est présent en chaque être. La connaissance d’Ishavara est la véritable ou absolue connaissance, c’est la connaissance du Soi. Celui qui connaît le Soi devient le Soi lui-même. Le Soi est Ishavara présent dans le corps.(…). Le premier homme né est Brahmâ qui est censé être le créateur ; en d’autres termes l’aspect créatif d’Ishavara est connu sous le nom de Brahmâ. Le créateur signifie : sa présence dans les gunas anime ces derniers et leur fait projeter le monde. Il n’y a pas de création en lui mais il est présent dans la création ou projection. (…). L’univers entier est conditionné en raison de la force objective des Gunas. Dans le monde la connaissance ne peut qu’être obtenue à travers des moyens conditionnés, tout comme l’eau ; bien que l’eau soit répandue partout sur la terre, elle n’est obtenue cependant qu’à travers des formes conditionnées telles que puits, lac, bassin, rivière, etc. »[6]

D’essence divine, Ishvara est source de toute vie spirituelle depuis les origines et donc, sans lui, il ne peut y avoir d’enseignement, ni de yoga.

 I.27 « On le désigne par Om ».

« Dans toutes les traditions spirituelles, le nom du Divin revêt une grande importance. Le nom du Divin est le Divin » Au commencement était la Parole et la Parole était Dieu, nous rappelle les Evangélistes. La parole est vibration, elle est une manifestation de l’énergie universelle. « L’homme est cet animal qui nomme, celui qui désigne, c’est la mission qu’il a reçue. Nommer veut dire connaître et manifester ; l’homme est l’incarnation de ce mouvement, ce cette actualisation du Divin »[7].

Ce symbole divin s’écrit souvent AUM. Selon Sri Vinoba Bhave (un disciple du Mahatma Gandhi), le mot latin Omne et le mot sanskrit Aum proviennent de la même racine, véiculant tous les deux les concepts d’omniprésence et d’omnipotence.

 I.28 « La répétition de ce Mantra permet d’entrer dans sa signification ».

« OM est le premier, le tout premier son issu d’Ishavara dans la matière primordiale indifférenciée. C’est de ce nom que l’espace vint à l’existence ainsi que toutes les autres modifications quoi en ont découlé. Pour cette raison, OM est le nom absolu, le principe de tous les sons qu’ils soient sous forme de paroles, de pleurs ou de cris, de chants ou de musiques, de rires ou d’amusements, de propos ou de débats, d’actions ou de mouvements,  (..) tout cela n’est que la modification de ce tout premier son »[8].

Trois sons s’unissent pour former om : A est la première voyelle de l’alphabet sanskrit, U est la lettre du milieu, et M la dernière consonne. Ces 3 lettres représentent trois états de la conscience ou de l’esprit : A pour l’état de veille (jagrata-avastha), U pour l’état de rêve (svapna-avastha) et M pour l’état de profond sommeil sans rêve (susupta-avastha). Le symbole en son entier accompagné du croissant et du point représente le quatrième état (turya-avastha) qui englobe les trois premiers et les transcende, l’état de Samadhi. A représente aussi le commencement, la naissance, et le dieu créateur Brahmā ; U la continuation, la vie, et le dieu Vishnu ; enfin M la fin, la mort, et le dieu destructeur Shiva. Mais ces 3 lettres ont encore bien d’autres significations que j’aurai certainement l’occasion d’aborder.

I.29 « Grâce à cela la conscience périphérique s’intériorise et les obstacles disparaissent ».

 Dieu ne peut pas être perçu directement, « mais la vibration peut nous faire participer de son êtreté, car le son permet à la conscience de le percevoir comme une évidence ». La perception d’Ishavara par les vibrations du son est intéressante à creuser, cela signifie que sa nature relèverait de l’énergie. (à approfondir). OM est le principe de toutes les énergies.

« Cet aphorisme décrit les deux résultats de la répétition de la syllabe sacrée accomplie avec foi. Moins esclave des sollicitations extérieures, notre conscience se tourne alors vers l’intérieur. Elle y découvre une présence faite de paix et de compréhension de soi-même. Parallèlement, nous percevons nos pulsions profondes qui alimentent le champ de conscience et déterminent le comportement. Elles ne sont plus des obstacles amplifiées par l’esprit car nous restons tournés vers une force supérieure »[9].

Du point de vue de l’hindouisme, Om ou Aum représente le son originel, primordial point de départ de la structuration de l’Univers. OM est aussi appelé pranava (son de bourdonnement) ou udghita (son qui élève), il est considéré comme “la flèche dont la pointe est la pensée traversant les ténèbres de l’ignorance pour atteindre la lumière de l’état suprême.”La répétition du mantra OM est une clé vibratoire qui nous met donc en
harmonie avec la conscience universelle. En Inde, ce mantra OM est sacré et mais parfois considéré comme un rite païen en Occident. En réalité, la science occidentale lui reconnaît des effets réellement bénéfiques pour le corps et l’esprit.

Lien avec les sciences infirmières

Là encore difficile de faire un lien. Toutefois, je vais rebondir sur la démarche de connaissance de soi, point sur lequel insiste Patanjali.

La connaissance de soi peut se définir comme le savoir qu’une personne acquiert sur elle-même, en termes psychologiques ou spirituels, à l’occasion de ses expériences vécues. Elle est par nature subjective, et la recherche sur soi-même nécessite alors une rectitude d’esprit, un esprit critique et un regard extérieur. Chaque individu est différent des autres, avec sa propre philosophie, aussi chacun choisit les objectifs de la recherche de connaissance de soi et le moment de le faire.

Connais-toi toi-même, la célèbre formule de Socrate inscrite sur le fronton du temple de Delphes, a été reprisepar Descartes qui en a fait le fondement de sa métaphysique, le cogito : je pense, je sais que je pense, c’est une certitude. Nietzsche, quant à lui, a transformé la maxime antique de Térence : « Chacun est à soi-même le plus proche » en « chacun est à soi-même le plus lointain ». Le « Soi » et la « Connaissance » ont donc titillé les neurones de nombreux philosophes.

La formule de Socrate, dont le sens a évolué depuis 2500 ans, résonne aujourd’hui comme un des fondements du développement personnel. Le développement personnel s’adresse à des personnes ne présentant pas de pathologie, et vise leur autonomie, celles-ci consultant pour être accompagnées et non soignées. Il prend en considération l’avenir et propose des solutions pour aider les personnes à avancer. En cela, le développement personnel est très différent de la psychologie clinique et de la psychiatrie. En effet, ces dernières cherchent à comprendre le mal-être en analysant le passé du patient. De plus, les objectifs de la psychothérapie et du développement personnel sont visiblement différents. La première soigne des personnes ayant des pathologies alors que le second aide les personnes qui désirent améliorer certains aspects de leur vie. Dans le développement personnel, avec l’accompagnement, les personnes sont en capacité à apprendre d’elles-mêmes. Différentes techniques sont utilisées comme le coaching, le focusing, la pleine conscience, la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), la sophrologie, la méditation, ou encore l’intelligence émotionnelle et l’art-thérapie.

Je souhaiterais revenir aussi sur le mantra AUM et ses bienfaits reconnus par la science:

David Servan-Schreiber, médecin spécialisé en médecine interne et en psychiatrie, professeur de psychiatrie clinique à l’université de Pittsburgh s’est fait l’écho des recherches du professeur Luciano Bernardi, de l’université de Pavie en Italie, qui fit réciter à des sujets, non formés à la méditation, le mantra le plus connu du bouddhisme tibétain, Om Mani Padme Hum, résultant en une mise en cohérence rapide des biorythmes autonomes du corps (respiration, cœur, tension artérielle) grâce à la répétition de cette formule.

Luciano Bernardi, MD, is a professor of Internal Medicine at Policlinico S.Matteo, Pavia, Italy, and teaches Sports Medicine at the Faculty of Physical Education at the University of Pavia. His main research interests focus on the integrated control mechanisms of the cardiovascular and respiratory systems. In this context he has done extensive research work on the physiological effects and clinical applications of Yoga in relevant diseases like heart failure, hypertension, chronic obstructive pulmonary diseases and diabetes. He also studied the effects of special respiratory adaptations during exposure to high altitude hypoxia, taking part or leading seven high altitude stages, in the Himalayas and in the Andes, and during simulated experiments in hypobaric chambers. He also studied the cardio-respiratory effects of listening to music, praying and chanting. His work is published in more than 180 research articles appearing in peer-review journals. He practices Yoga and he is amateur luthier.

La Mantrathérapie, rebaptisée Tibetan Sound Meditation (TSM) au Centre de médecine intégrative de l’université du Texas, a fait ses preuves dans le traitement de patientes atteintes de troubles cognitifs consécutifs à des cancers du sein récidivants. La mantra-thérapie, comme méthode de soin, est intimement reliée à Sowa Rigpa, la médecine traditionnelle tibétaine et s’appuie sur les mêmes principes thérapeutiques visant à prévenir, apaiser, soigner les déséquilibres du corps, de la parole et de l’esprit.

En bref, qu’il s’agisse de développement personnel ou de Mantrathérapie, les deux ont un objectif commun notre bien-être.

[1] Bernard Bouanchaud, Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de Soi, Editions Agamat, Palaiseau 2003, p.46

[2] Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, p. 39

[3] Yves Durand D’Aragon, La Lumière sur le Yoga Royal, Le Courrier du Livre, Paris 1997, p.49

[4] Swâmi Sadânanda , Les Yoga-sutras de Patanjali, Le Courrier du Livre, Paris, 1976, p.60

[5] Swâmi Sadânanda, ibid. p.62

[6] Swâmi Sadânanda, ibid. p.63

[7] J. Bouchart d’Orval, op. cit, p.81

[8] Swâmi Sadânanda, op. cit. p.65

[9] B. Bouanchaud, op. cit. p. 60

Des formules sacrées pour guérir : connaissez-vous la mantrathérapie ? (nouvelobs.com)

Author: sfl73_pass_Sa03Na08

DIPLOMES 1980 Diplôme d’Etat d’Infirmière 1996 Diplôme de Cadre de Santé 1998 DU de Soins Palliatifs 2007 DU Ethique Soins et Santé PARCOURS PROFESSIONNEL 1980-1983 Infirmière AU CHU de Rouen 1983-1995 Infirmière dans les services de Médecine et de Cure Médicale dans un Hôpital Local Faisant fonction de cadre à partir de 1989 Infirmière Coordinatrice du SSIAD rattaché à l’établissement en 1993 1996-2002 Cadre de Santé au CHU de Rouen dans différents services, de nuit puis de jour 2002-2005 Cadre de Santé en EHPAD dans un CH de la région Normandie, responsable de 6 unités de soins soit 167 lits et chargée de missions transversales (notamment la Gestion des Risques) 2005-2018 Cadre de Santé Formateur à l’IFSI du CHU de Rouen TRAVAUX REALISES: mise en place d'un SSIAD, Transmissions ciblées, Chef de projet sur la réalisation d'un film illustrant le protocole de pose d’une bande de contention veineuse et présentation dans différents congrès, évaluation de la prise en charge de la douleur, évaluation de l'éducation des patients sous AVK, référent SIIPS, Participation au groupe de travail sur la mise en place des CLAN (Comité de Liaison Alimentation Nutrition) à la DHOS, gestionnaire de risques, animateur d'un groupe d'évaluation dans le cadre de la certification, réalisation d'audits, participation à l'élaboration et à la réactualisation de protocoles de soins. PARTICIPATION AUX INSTANCES: Conseil d’Administration, Commission de Soins, CLAN.

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