Samadhi pada : sutras I.31 à I.32
Pour cette suite de l’article sur les obstacles qui déconcentrent le mental, je vais aborder dans l’ordre les sutras de Patanjali qui décrivent les conséquences de ces entraves et les solutions proposées. Chaque sutra correspond donc à un chapitre.
I.31 « La souffrance, l’angoisse, la nervosité et la respiration accélérée sont les compagnons de cette dispersion mentale ».
Ce sont les effets des obstacles précédents. Soulignons que lorsque le souffle est lent, facile et stable, le mental se concentre plus aisément et peut ainsi plus facilement réaliser sa vraie nature[1]. D’où l’importance d’expérimenter ce type de respiration et notamment la respiration taôiste dans les cours de yoga.
Cette description traduit la réalité de notre société. Stress, nervosité, anxiété… sont autant de malaises rencontrés au quotidien, mais que nous pouvons pourtant limiter et même éviter.
Il est intéressant de noter que les symptômes de l’état perturbé de la conscience (chitta), s’expriment selon des termes opposés. Il y a duhkha, la souffrance morale, purement mentale, puis daurmanasya et anjamejayatva, la dépression et la nervosité, qui concernent deux réponses psycho-corporelles globales en stricte opposition l’une avec l’autre, et enfin svasprasvas, le désordre de l’inspir et de l’expir, c’est-à-dire le déséquilibre respiratoire, purement corporel.
L’opposition entre dépression et nervosité vient du fait que la personnalité est soumise toute entière à la logique des contraires énergétiques, rajas et lamas, l’activité et la passivité. Ainsi, selon son tempérament, plutôt marqué par le guna rajas, actif, ouvert sur l’extérieur, ou par le guna lamas, caractérisé par la passivité et le repli sur soi-même, la personne aura tendance à développer la nervosité ou la dépression, et dans les deux cas, elle en aura des effets mentaux (souffrance morale) et physiologiques (déséquilibre respiratoire). Nous sommes au coeur de ce que l’on appelle aujourd’hui la psychosomatique, avec les constants va-et-vient entre la sphère physiologique, émotionnelle et mentale, dûs aux enchevêtrements hormonaux, nerveux et organiques constamment en interaction dans le cerveau, les voies nerveuses et sanguines.
I.32 « Pour éliminer cela, il faut centrer sa pratique sur un seul principe à la fois ».
Autre traduction : « Nous pouvons y remédier en contemplant souvent un seul objet [2]» ( ékatatva : fixer le mental sur un seul objet)
Ce sutra peut constituer un guide pour construire nos séances de yoga. On a trop souvent tendance à vouloir faire découvrit trop de choses dans une même séance ; se limiter sur un principe à la fois (une forme de ressenti, de respiration ?). « Ne pas vouloir tout expérimenter à la fois, creuser son sillon avec patience et humilité » nous précise Françoise Mazet.[3]
Il s’agit donc de ne pas se disperser, de vouloir tout expérimenter à la fois, mais rester patient et humble. Nous retrouvons ici abhyasa, effort poursuivi pendant très longtemps, sans interruption, et accompli avec ferveur et enthousiasme. Cet effort assidu doit être
L’effort d’attention déjà évoqué devient un état d’attention. Et de Asana on passe naturellement à Pranayama.
Un principe (tattva) à la fois : il faut donc donner la priorité à ce qui est le plus important à régler. Tattva en Sanskrit signifie vérité, réalité ou principe essentiel.
En Yoga, il y a 7 Tattvas, 5 Tattvas denses et 2 Tattvas subtils. Les Tattvas sont des qualités ou attributs de manifestation qui vont des formes subtiles aux formes denses de manifestation. Dans le Hatha Yoga, les tattvas sont considérés comme les cinq différenciations et composantes du Prana (le souffle). Ils sont également associés aux cinq chakras inférieurs dans le système indien (qui en compte sept) et aux cinq chakras du système tibétain. L’ensemble des Tattvas prend en considération les 5 premiers chakras : Saturne, ,Jupiter, Mars, Vénus et Mercure, liés aux 5 Éléments, aux 5 Tattvas, les anges de la Création qui ont généré l’Univers : Terre, Eau, Feu, Air, Ether. Dans Mercure, l’Ether contient les Annales Akashiques, les Samskaras.
B.K.S Iyengar précise que le moyen de parvenir à apaiser l’esprit est de travailler 2 des 8 piliers du yoga mentionnés par Patanjali à savoir, les asanas et le pranayama.
Lien avec les sciences infirmières
Les conséquences de la dispersion mentale évoquées par Patanjali sont bien connues des soignants et sont des concepts à part entière.
Caractérisée par la douleur qui persiste, obsède et ne cède à aucune médication sur le plan physique, mais surtout par le « sentiment d’exister à vif » comme le dit Ricoeur sur le plan psychique, la souffrance est un objet d’étude pour les philosophes et les théologiens mais bien sût pour les psychologues et les psychiatres. La souffrance psychique apparaît dans différentes circonstances de la vie. Elle modifie le rapport à soi et à autrui et diminue la capacité à agir, mais aussi à dire.
La souffrance est d’ailleurs souvent accompagnée par l’angoisse, autre conséquence citée par Patanjali. L’angoisse autre concept majeur en sciences infirmières est marquée par appréhension d’un potentiel danger, l’incapacité à fixer son attention ou à prendre une décision, et génère des manifestations physiques tels que tremblements (autre traduction pour angaméjayatva, nervosité), palpitations, accélération de la respiration…
Le conseil de Patanjali de centrer sa pratique sur un seul principe paraît évident pour un soignant. En effet, que conseillons nous à un patient qui présente tous les symptômes précités ? Respirer bien sûr. Porter notre attention sur notre respiration a des effets apaisants bien connus. La respiration est la clé de votre relaxation. Une appli à télécharger « respi relax » et ci-joint un lien pour se relaxer:
Nadi Shodhana – Respiration Contre le Stress Avec Ariane – YouTube
[1] Jean Bouchart d’Orval, Patanjali, La maturité de la joie, Les Editions du Relié, Gordes 1998, p.85
[2] Jean Bouchart d’Orval, op. cit, p.86
[3] Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, p.47
Bibliographie/Webographie
Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, 217 pages
B.K.S Iyengar, Bible du Yoga, coll. Aventure secrète, Ed. J’ai lu, 2009, 596 pages
Jean Bouchart d’Orval, Patanjali, La maturité de la joie, Les Editions du Relié, Gordes 1998
http://www.economie-spiritualite-yoga.com/ /article/yoga-sutras-de-patanjali