Patanjali: ouverture du traité et définition du yoga

Samadhi Pada : sutras I.1 à I.3

I.1 « Maintenant (atha), le Yoga va nous être enseigné, dans la continuité d’une transmission sans interruption ».

C’est ainsi que Patanjali introduit le sujet et nous dit comment le yoga se transmet : « maintenant ». Cela signifie que l’enseignement s’adresse à celui/celle qui est prêt(e), disponible et motivé. Maintenant se dit atha en sanskrit, c’est aussi la lettre A qui représente Dieu. Dans la Bhagavad Gita, Krisna dit « Je suis le A de l’alphabet »[1].

Cette transmission s’effectue de manière ininterrompue

I.2 « Le yoga est l’arrêt (nirodha) de l’activité automatique (vrtti) du mental (chitta ou citta)».

Dans ce Sutra, le mot vritti qu’on peut traduire par agitation, perturbation, le mouvement des vagues, est opposé à nirodha qui signifie arrêt , interruption, cessation.  Selon B.K.S. Iyengar, vrtti est le déroulement d’une action, le comportement, la façon d’être, la condition ou l’état mental.

Il précise également que Citta désigne l’esprit dans son sens total ou collectif comprenant trois éléments :

  • L’esprit (manas, esprit individuel ayant le pouvoir d’attention et de sélection, la faculté de l’esprit fluctuante et indécise)
  • L’intellligence ou la raison (buddhi, le système de décision qui établit la distinction entre les choses)
  • Le moi (ahamkara, c’est-à-dire le moi-actif, l’entité qui constate que « je sais »).

Le yoga est donc selon lui, la méthode par laquelle l’agitation de l’esprit est arrêtée et l’énergie dirigées vers des vois constructives.

Pour Bernard Bouanchaud, « Le Yoga consiste à maintenir son esprit dans un état à la fois de quiétude et d’éveil, où l’on est totalement  présent à ce que l’on fait et où les pensées ne jaillissent plus d’elles-mêmes dans toutes les directions, mais sont pleinement contrôlées et orientées. Le mot esprit à un sens très large : psychisme, intelligence, pensée, sentiment, émotion, que ce soit dans le conscient ou dans l’inconscient »[2].

Pour Swami Sadânanda, « les interprétations du yoga en tant que concentration, union, etc. , ne sont que jonglerie grammaticale et travestissement intellectuel. Dans les Yoga sutras, le mot yoga, tel qu’il est défini, est très précisément un mot technique ; il ne doit pas être expliqué simplement comme un mot dérivé de la racine « yuj » (joindre) »[3].

Dans ses commentaires des Yogas Sutras, Swami Sadânanda précise le concept de Chitta : « Dans son intégralité Chitta est l’entrepôt des impressions ou des reflets des objets perçus et conçus ( …) Il assume la force du mental, de l’intelligence de l’ego et de la mémoire et aussi du « je », la cause de l’ego. Il ressort que Chitta est un terme désignant ce en quoi le Soi se reflète, et ce qui possède la notion ou la condition du « je » causant l’ego.. (….) Quand les afflictions et les non-afflictions connues sous le nom de vrittis cessent de fonctionner, c’est alors que Chitta devient SattvaChitta est le Sattva, lorsqu’il est absolument purifié. Cet état est yoga (…) Lorsque les vrittis sont stoppés, Sattva et Purusha, n’ayant plus aucune action de contact, demeurent seuls distinctement, c’est donc ce qui est appelé non-dépendance (aloneness)»[4].

I.3 « Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même ».

Patanjali nous présente ici le yoga nous libère des pensées automatiques qui agite notre esprit et permet de dévoiler notre capacité d’être. Cet action de dévoiler ou révéler traduit Drashtar qu’on appelle aussi conscience profonde, celui qui voit ou « le Témoin immobile, permanent, qui nous fait participer à l’énergie cosmique, au-delà de notre incarnation matérielle »[5] . On le nomme Drashtar, l’Atman, le Soi ou encore le Centre, et c’est une richesse commune à tous les hommes, source de vie, d’amour, de créativité, toutes choses que nous avons tendance à rechercher à l’extérieur. Mais cette richesse est en nous.

Il me semble très important pour toute personne qui pratique le yoga praticien et encore plus pour celle qui l’enseigne, de se référer constamment à ces deux sutras pour guider et faire évoluer leurs pratiques. En nous libérant des automatismes, et notamment des automatismes du mental, le Yoga nous permet de développer notre capacité d’observation, de spectateur de notre corps et de notre mental et de laisser le Drashtar se manifester.

J. Bouanchaud traduit drahstar par principe de conscience. « Le yoga affirme que l’on peut percevoir un objet sans projection mentale (dans le sens psychanalytique), il consiste pour un sujet à percevoir le monde extérieur et notamment sur autrui des caractéristiques qui lui sont propres ».

Swami Sadânanda précise que lors des arrêts des événements dans le Chitta, « Chitta devient pur Sattva. Les Rajoguna et Tamoguna cessent de fonctionner »[6]

Lien avec les sciences infirmières

Ce début de présentation du yoga laisse entrevoir des concepts indispensables à maîtriser dans la profession infirmière.

Lorsque Patanjali parle de l’enseignement du Maître à l’élève, ses propos évoque la disponibilité et la motivation, deux choses indispensables lors d’un apprentissage. Seul un esprit disponible peut intégrer les informations à retenir. La motivation est par ailleurs un concept essentiel en psychologie cognitive (cf UE 1.1 du référentiel de formation infirmière) Ses applications sont bien connues dans le monde scolaire mais la motivation s’applique aussi dans les soins comme dans les soins éducatifs (cf UE 4.6)

Mental, psychisme et pensées automatiques sont largement abordé dans l’UE 1.1 Psychologie, sociologie, anthropologie. Ce n’est pas par hasard, si certains considèrent les yoga-sutras comme premier traité de classification psychologique.

[1] Bernard Bouanchaud, Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de Soi, Editions Agamat, Palaiseau 2003, p. 21

[2] B. Bouanchaud, Ibid. p.22

[3] Swâmi Sadânanda , Les Yogasutras de Patanjali, Le Courrier du Livre, Paris, 1976, p.34

[4] Swâmi Sadânanda, Ibid . cit. p.35

[5] Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, p. 21

[6] [4] Swâmi Sadânanda, Op. cit. p.39

Bibliographie

Françoise Mazet, Patanjali, Yoga-sutras, coll. Spiritualités vivantes, Ed Albin Michel, 1991, 217 pages

B.K.S Iyengar, Bible du Yoga, coll. Aventure secrète, Ed. J’ai lu, 2009, 596 pages

Jean Bouchart d’Orval, Patanjali, La maturité de la joie, Les Editions du Relié, Gordes 1998

Swâmi Sadânanda , Les Yoga-sutras de Patanjali, Le Courrier du Livre, Paris, 1976

Bernard Bouanchaud, Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de Soi, Editions Agamat, Palaiseau 2003

Author: sfl73_pass_Sa03Na08

DIPLOMES 1980 Diplôme d’Etat d’Infirmière 1996 Diplôme de Cadre de Santé 1998 DU de Soins Palliatifs 2007 DU Ethique Soins et Santé PARCOURS PROFESSIONNEL 1980-1983 Infirmière AU CHU de Rouen 1983-1995 Infirmière dans les services de Médecine et de Cure Médicale dans un Hôpital Local Faisant fonction de cadre à partir de 1989 Infirmière Coordinatrice du SSIAD rattaché à l’établissement en 1993 1996-2002 Cadre de Santé au CHU de Rouen dans différents services, de nuit puis de jour 2002-2005 Cadre de Santé en EHPAD dans un CH de la région Normandie, responsable de 6 unités de soins soit 167 lits et chargée de missions transversales (notamment la Gestion des Risques) 2005-2018 Cadre de Santé Formateur à l’IFSI du CHU de Rouen TRAVAUX REALISES: mise en place d'un SSIAD, Transmissions ciblées, Chef de projet sur la réalisation d'un film illustrant le protocole de pose d’une bande de contention veineuse et présentation dans différents congrès, évaluation de la prise en charge de la douleur, évaluation de l'éducation des patients sous AVK, référent SIIPS, Participation au groupe de travail sur la mise en place des CLAN (Comité de Liaison Alimentation Nutrition) à la DHOS, gestionnaire de risques, animateur d'un groupe d'évaluation dans le cadre de la certification, réalisation d'audits, participation à l'élaboration et à la réactualisation de protocoles de soins. PARTICIPATION AUX INSTANCES: Conseil d’Administration, Commission de Soins, CLAN.

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