Dans mon dernier article, j’ai abordé le raisonnement clinique avec le recueil de données ainsi que les modèles et théories de soins infirmiers. Aujourd’hui nous allons passer à l’étape suivante : l’analyse des données et l’identification de la problématique du patient.
Lorsque vous avez effectué le recueil de données via des entretiens avec le patient et/ou son entourage, via les observations faites auprès du patient (examen clinique), via les documents du dossier patient, vous avez certainement vérifié toutes ces informations avant de les organiser par catégories. En ce qui concerne les données spécifiques du patient, vous avez vraisemblablement classé vos données en suivant un modèle de soins que ce soit par besoins (V Henderson° ou par modes fonctionnels de santé (M. Gordon) ou autre. J’attire votre attention sur le regroupement de données par système. Ce type de classement permet en effet d’identifier les données qui doivent être transmises au médecin, qui je vous le rappelle est le seul habilité à diagnostiquer des anomalies du système ou de fonction organique. Mais, oui il y a un mais, avec ce classement par système, vous risquez de passer à côté de données clefs permettant de poser un diagnostic infirmier. Il est donc important d’utiliser un modèle infirmier pour bien organiser vos données afin d’être exhaustif.
En examinant vos données organisées selon les grilles de lecture que proposent les modèles de soins infirmiers, vous allez rapidement vous faire une première idée des différents problèmes du patient. Mais vous allez aussi probablement repérer des lacunes dans vos informations. Il faudra sans doute compléter pour affiner votre diagnostic.
Il s’agit ensuite après l’étape du recueil de données, d’analyser ces données et de poser des diagnostics. Je sais que les diagnostics infirmiers ne sont pas utilisés partout néanmoins qu’on le veuille ou non tous les infirmiers identifient bel et bien des problèmes de santé donc diagnostiquent ces problèmes. Par ailleurs, l’utilisation des transmissions ciblées a permis aux infirmiers de s’approprier certains de ces diagnostics infirmiers souvent mal intégrés car traduits de l’anglais.
Ne nous voilons donc pas la face , les soins infirmiers reposent d’une part sur le diagnostic et sur les interventions qui vont en découler et bien sûr sur les résultats de ces interventions. Je vais donc aujourd’hui vous parler des diagnostics infirmiers ou des problèmes du patient si le mot diagnostic infirmier vous donne de l’urticaire, en tous cas tout ce qui compose la problématique et comment on y parvient.
Qu’est ce que cette fameuse problématique ? Qu’y trouve-t-on ?
Pour parvenir à cette problématique, il faut passer la PHASE D’IDENTIFICATION
Cette phase consiste à traiter les informations recueillies et organisées, c’est-à-dire les analyser. Cela signifie qu’il faut examiner les éléments de la situation du patient et trouver les liens entre ces éléments). Nous parvenons ainsi à identifier ce qui pose problème, pour quelles raisons et déduire les éventuelles conséquences.
La problématique peut être définie comme un exposé clair de la situation :
- Organisé ® construit
- Ciblé et précis ® éléments clés, significatifs, qui donnent un sens à la situation
- Exhaustif et réactualisé ® réajusté et / ou complété
Cette problématique permet une vision globale (® élément d’un tout), synthétique (® formulation courte) et systémique (® liens) des problèmes.
Les problèmes eux peuvent être définis comme une rupture d’un équilibre physiologique et/ou mental :
- avec + ou – une répercussion sur la vie sociale, familiale, professionnelle
- avec + ou – une incapacité à prendre en charge les actes que la personne ou ses proches assumaient ( besoin non satisfait).
Ainsi on peut énoncer des problèmes :
- liés à une fonction qui ne peut pas être remplie
- liés au ressenti
- liés à un manque de connaissances
- liés à l’environnement
- liés aux risques encourus en rapport avec la pathologie, les traitements et les investigations.
Les problèmes doivent être formulés en énonçant les causes et conséquences.
Les problèmes peuvent être classés en les hiérarchisant
- Problème réel : problème présent ( les causes, les signes, les symptômes) et là cela doit vous rappeler la façon dont on décline les diagnostics infirmiers (avec lié à … se manifestant par…)
- Problème potentiel : problème non présent mais qui risque de se poser en terme de complications. Là encore il faut se rappeler comment décliner ce type de diagnostic (avec favorisé par….)
Il faut garder à l’esprit que pour identifier dans votre recueil de données, les données pathologiques, il faut aussi reconnaître les données normales. C’est l’écart entre ce qui est considéré comme normal et les données du patient qui indique un ou des problèmes.
Et il faut bien comprendre le sens des termes : signes, symptômes, caractéristique déterminante et indice pour être en capacité de nommer le problème.
Un signe est une donnée objective (ce qu’on observe de normal ou d’anormal) qui indique un problème de santé, ex la fièvre est un signe.
Un symptôme est une donnée subjective (c’est ce que le patient nous dit) qui indique un problème de santé, ex la douleur est un symptôme.
Des caractéristiques déterminantes sont un ensemble de signes, de symptômes et de facteurs de risque observé chez un patient qui présente un diagnostic infirmier donné. C’est ce qu’on retrouve d’ailleurs dans la classification des diagnostics infirmiers dans laquelle pour chaque diagnostic, on a la définition, les facteurs favorisants et les caractéristiques déclinées en données subjectives et objectives.
Quant à un indice, c’est toute donnée qui nous amène à suspecter l’existence d’un problème de santé (c’est-à-dire la présence de caractéristiques, de signes et de symptômes).
Il est bien évident que si on passe à côté d’un problème ou qu’on fait une erreur dans l’identification d’un problème c’est-à-dire une erreur de diagnostic, on peut planifier des actions de soins inadéquates. Les problèmes identifiés sont en effet la base du projet de soins ou du plan de soins (peu importe la manière dont vous l’appelez).
C’est pour cela qu’il est important d’utiliser un modèle de soins infirmiers qui est votre grille de lecture.
Si je reprends l’exemple de la grille des besoins selon Virginia Henderson , la dernière colonne regroupe l’évolution du patient par besoin avec ce qui pose problème à ce jour et ce qui risque de poser problème et ce grâce aux données relatives au patient avant sa prise en soin et dans l’institution. Si par exemple, vous suspecter chez votre patient une constipation, il faut comparer les données du patient avec bien sûr vos connaissances de l’UE 2.8 sur la pathologie par exemple, mais aussi les caractéristiques du diagnostic infirmier constipation.
Aprés avoir identifié un problème, il faut en rechercher la cause ou les facteurs liés ou contributifs. Par exemple si vous prenez en soins un patient diabétique de type 1 récemment dépisté et que vous soupçonnez chez ce patient un manque de motivation pour s’informer sur son traitement, il faut aller plus loin pour découvrir ce qu’il en est réellement et certaines caractéristiques vous mettront peut-être sur la piste d’un déni de la maladie.
Quand l’étiologie est trouvée , il faut ensuite nomme le problème avec la mention « lié à ». Si cette étiologie est restée inconnue ou qu’on doute, on peut noter « lié à une cause inconnue » ou »probablement lié à ».
Si par exemple, dans nos données, nous avons repéré des facteurs de risque mais pas de signes ou de symptômes, on parlera de « risque de … favorisé par » suivi du ou des facteurs de risque repérés.
Il peut y avoir aussi un problème sans qu’on ait de données précisent pour le confirmer ou l’infirmer, dans ce cas on peut intituler le problème comme « un problème possible » ex possible perturbation de l’estime de soi.
Identifier les problèmes du patient est bien mais il faut aussi identifier les ressources du patient. En effet, si l’on se réfère au modèle de Virginia Henderson, que la fonction de l’infirmière est d’aider le patient à effectuer des activités qui l’aideront à s’améliorer s’il ne peut pas les faire lui-même. L’objectif est de passe de la dépendance à l’indépendance pour satisfaire les différents besoins. Il faut donc se demander ce que le patient a comme ressources physiques (son état général, ce qu’il est capable de faire), comme ressources psychologiques et personnelles (capacités d’adaptation, motivation, connaissances, soutien de son entourage, etc).
Je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. Dans un prochain article, je vous parlerai des diagnostics infirmiers. Je vous dis donc à très bientôt !