Ce chiffre est vrai mais il ne représente pas la réalité puisqu’il minimise l’impact de la crise sanitaire sur le milieu hospitalier.
Le Covid-19 ne serait responsable que de seulement 2% des hospitalisations survenues en 2020. Cette statistique est très relayée sur les réseaux sociaux en ce début novembre. Mais les personnes qui publient cette information oublient que ces malades hospitalisés pour Covid sont arrivés en très grand nombre et en très peu de temps, au cours des deux premières vagues de l’épidémie qui ont submergé les hôpitaux.
Pour les détracteurs de la gestion politique de la crise sanitaire, ce chiffre de 2% est la preuve que la gravité de l’épidémie a été exagérée, que les confinements, la vaccination de masse de la population ou le recours au pass sanitaire n’étaient pas nécessaires. Certains internautes vont jusqu’à dénoncer une influence par « la peur » comme Marie-Estelle Dupont, analyse dont les principales figures antivax ou anti-pass (Florian Philippot, Martine Wonner, Carlo Alberto Brusa, Gilbert Collard and Co) se sont fait l’écho. Ces commentateurs occultent des détails importants du rapport mentionnant ce chiffre de 2% .
Cette statistique apparaît dans l’Analyse de l’activité hospitalière 2020 consacrée au Covid-19[1], un rapport publié par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), un établissement public créé en 2000 sous l’égide du ministère de la Santé et spécialisé dans les données de santé et les statistiques médicales hospitalières. On peut y lire ceci : « Les patients Covid représentent 2% de l’ensemble des patients hospitalisés au cours de l’année 2020, tous champs hospitaliers confondus. » Soit un total de 217 974 patients hospitalisés. La proportion de malades du Covid monte à 5% dans les services de soins critiques (qui regroupent les soins continus, les soins intensifs et la réanimation) et à 11% pour les seuls services de réanimation, selon ce rapport.
A travers ces chiffres, l’ATIH ne minimise pas la gravité de l’épidémie. Au contraire, elle écrit au début de sa synthèse qu’« en 2020, la crise sanitaire induite par la pandémie de Covid-19 a fortement impacté l’activité des établissements de santé ». D’autres statistiques contenues dans ce même rapport le confirment. Les patients atteints du Covid ont été hospitalisés plus longtemps que les autres. Dans les services de courts séjours, les malades du Covid ont été pris en charge en moyenne 13,2 jours, contre 7,7 jours pour ceux souffrant d’une grippe par exemple. Dans les services de réanimation, les premiers ont été pris en charge pendant 15,7 jours en moyenne, contre 11 jours pour les seconds. Les malades du Covid-19 ont certes représenté 2% des admissions à l’hôpital en 2020, mais pour 4% des journées d’hospitalisation. En soins critiques, ils ont représenté 5% des patients, mais cumulé 8% des jours de prise en charge. Et en réanimation, 11% des personnes soignées, mais 19% des journées d’hospitalisation, soit près d’une journée sur cinq.
La gravité de la maladie est également soulignée par l’écart entre les statistiques des hospitalisations et des décès. Si les malades du Covid ont compté en 2020 pour 2% des admissions en courts séjours, ils ont représenté 12% des décès. En soins critiques, ils totalisaient 5% des admissions, mais 13% des morts. Et en réanimation, 11% des patients traités, mais 16% des décès
Rapporter à l’ensemble d’une année le nombre de patients hospitalisés pour une infection au Covid-19 revient à lisser l’impact de l’épidémie sur l’hôpital. En effet, le virus s’est propagé par vagues successives, provoquant une saturation des hôpitaux lorsque les pics épidémiques ont été atteints ( printemps 2020 et de l’automne 2020) ce que cette statistique annuelle ne traduit pas.« En 2020, le nombre de patients Covid en cours d’hospitalisation a été maximal le lundi 6 avril, écrit l’ATIH. A cette date, près de 35 100 patients Covid étaient hospitalisés, tous champs d’hospitalisation confondus. » Le seuil des 30 00 patients hospitalisés pour Covid a été dépassé à deux reprises, relève l’ATIH : du 30 mars au 16 avril 2020, puis du 9 au 17 novembre 2020 au moins. A l’inverse, entre fin juin et mi-septembre 2020, le nombre de patients en cours d’hospitalisation pour Covid est resté sous la barre des 5 000 quotidiens.
En lissant sur l’année ces 2% de patients hospitalisés pour Covid-19, ces malades se retrouvent statistiquement noyés dans le flot des activités habituelles des hôpitaux. En 2019, les hôpitaux français ont soigné 12,9 millions de patients. Or certaines activités hospitalières ordinaires représentent un volume important. Par exemple, en 2019, 1,6 million de patients ont ainsi été hospitalisés pour une endoscopie ; 1,4 million pour une pathologie cardio-vasculaire ; 1,2 million pour un cancer, et aussi 722 000 accouchements, 612 000 opérations de la cataracte… Il suffit pourtant de se remémorer les mesures exceptionnelles prises à l’hôpital pour mesurer la gravité de l’épidémie : tri des patients, déprogrammation d’opérations non urgentes, transferts de patients d’une région à une autre… alors que la première vague épidémique n’a principalement frappé que deux régions françaises sur 13, le Grand Est et l’Ile-de-France.
Manifestement, les anti tout qui répandent sans cesse des fakes, ne lisent jamais l’intégralité des rapports. Le Covid a pesé à lui seul 19% du nombre de jours d’hospitalisation[2], alors qu’elle n’était pas présente en janvier et février 2020 et qu’il y a eu une accalmie entre juin et septembre. Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie du CHU de Bordeaux a d’ailleurs fait un parallèle parlant: « J’ai fait 15 000 km en voiture en un an. J’ai donc fait du 1,5 km/heure sur l’année [plutôt 1,7, une année comptant 8 760 heures]… Je ferais mieux de changer de voiture. »
[1] https://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/4144/aah_2020_analyse_covid.pdf
[2] Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines