Peu de temps après la conquête de la Gaule, sous le principat d’Auguste, le sénat promulgua un senatus consulte interdisant aux citoyens romains de participer aux cultes présidés par les druides. Généralement tolérants à l’égard des pratiques religieuses des peuples vaincus, les Romains adoptent ici une politique d’encadrement des cultes rappelant celle mise en place plus d’un siècle et demi auparavant, en Italie même, à l’encontre des dévots de Bacchus , au début de l’Empire, différents cultes étrangers (Divinités égyptiennes, Bellone etc.). Les condamnations répétées des Druides amènent à la disparition rapide de la culture celtique continentale, d’autant plus aisément que le druidisme rejette l’écrit au profit de la seule oralité. Hors de l’Empire, en Bretagne insulaire et en Irlande, ce mouvement religieux se maintient. Il n’est donc pas surprenant de retrouver dans la littérature médiévale irlandaise des mentions de « druides ». Sans doute très présents dans l’île jusqu’au VIe siècle, ces personnages s’effacent face au développement du clergé chrétien. Leur statut se dégrade peu à peu jusqu’au rang de simple magicien. Leur compétence en matière médicale apparaît dans des textes tardivement consignés qui dévoilent quelques aspects du savoir médical et parfois magique de l’Irlande médiévale et peut-être des époques antérieures.
Ainsi, apprend-on qu’au début du Moyen-âge les médecins irlandais sont parfois des femmes, qu’il existe toutes sortes de diètes alimentaires : « pas de bière sans l’aval du médecin, pas de viande de cheval », que le miel est bon pour tout, sauf pour les maladies intestinales. Ces codes de lois révèlent l’usage de végétaux aux propriétés remarquables : le cainnenn, l’oignon et l’imus, le céleri mais aussi trois herbes étrangères et non identifiées, propres à guérir une blessure au visage, celle d’un roi uniquement. Dans le domaine du droit, l’incapacité à allaiter est une cause de divorce avec récupération de la dot, alors toute contestation sur les résultats des traitements débute par la confiscation du fouet du médecin (qui est cavalier ou qui voyage en char) et de son sac-mallette (linchor) dans lequel les herbes sont rangées, bien séparées les unes des autres. Les instruments médicaux ne sont en revanche guère décrits ; tout juste sait-on que le médecin utilise la lancette et emploie des bandages ; il opère pourtant, et si par erreur ce chirurgien coupe un tendon il doit à ses frais remettre le patient sur pied.
Des récits mêlant héros et avatars de divinités païennes dressent le portrait d’une société fortement hiérarchisée, rurale, guerrière, pratiquant le vol du bétail, régi par un droit primitif fondé sur le rang social, laquelle évoque l’âge du fer continental. On retrouve un personnage désigné comme le « drui » (druide) qui occupe une position sociale majeure, quasi égale à celle du roi (rí) (mais très différente de celle qui a dans les textes juridiques). Tout à la fois astrologue, magicien, éducateur de la jeunesse, garant du droit, ce savant est aussi thérapeute. Il partage donc certains des traits avec le druide gaulois tel que décrit par les héritiers de Poséidonios d’Apamée.
Les compétences de ce savant s’expriment dans trois genres de médecine : l’une est sanglante et donc chirurgicale, l’autre basée sur l’usage de plantes, la dernière fondée sur l’incantation. La première est le fait de grands spécialistes.La deuxième pratique médicale que l’on peut qualifier de phytothérapie est aussi liée aux fontaines de santé près desquelles (ou dans lesquelles) on plante des végétaux aux vertus médicinales. Les textes manquent de précisions sur les espèces utilisées et évoquent des divinités telles Lugh (probablement une ancienne divinité pré-chrétienne, parfois qualifiée de « Samildanach » « polytechnicien », comme le fut le « Mercure » gaulois, « habile dans tous les arts » selon César), Diancecht (divinité en charge la médecine et la magie en Irlande) et qui partage ses talents avec ses enfants). Parallèlement à la chirurgie et la phytothérapie, il existe une médecine incantatoire capable de guérir les guerriers placés auprès de sources et de s.
Bibliographie
C. J. Guyonvarc’h, Magie, médecine et divination chez les Celtes, Bibliothèque scientifique Payot, Editions Payot et Rivages, 1997, 418 pages.
Texte partiel et modifié de la conférence « Magie et médecine chez les Celtes » donnée le 23 mai 2011 à l’Université Lyon 2.
Pour citer cette page : Franck Perrin 2013, « Médecine et Magie chez les Celtes (1er partie) », Les Sens des Signes (hypothèses.org), 31 mai 2013 [En ligne] http://sensdesign.hypotheses.org/magie-et-medecine/medecine-et-magie-chez-les-celtes-ier-partie