Hypnose et soins infirmiers

Interpellée par un article récent publié dans Objectifs Soins sur le sujet et par une émission qui met en avant les possibilités de l’hypnose.

Les médias avec des émissions comme « Stars sous hypnose » nous montre des aspects inattendus et surprenants de l’hypnose.

DEVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU ET HYPNOSE

L’article d’Objectifs Soins nous recentrent sur l’hypnose pratiquée par les professionnels de santé. L’Agence Nationale du Développement Professionnel Continu (ANDPC) a diffusé les règles selon lesquelles les actions de formation continue relatives à l’hypnose destinées aux professionnels de santé pouvaient être acceptées. En effet, les formations à l’hypnose destinées aux infirmiers dans le cadre de la formation continue, se peuvent être prises en charge que si ces professionnels pratiquent ensuite l’hypnose en équipe, dans le cadre d’un projet de soin et sous responsabilité médicale.

Dans la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), l’hypnose est un acte thérapeutique pour le système nerveux, non remboursable. La pratique de l’hypnose n’est pas réglementée, bien qu’ayant un sens en anesthésie en matière de lutte contre la douleur, et n’a pas fait l’objet d’une évaluation clinique. Cependant, l’hypnose n’est pas un acte neutre puisqu’elle modifie l’état de conscience du patient avec de possibles effets sur les patients fragiles psychologiquement. Il n’existe pas d’études sur ses éventuels effets indésirables et son innocuité est incertaine, bien que ses avantages soient indéniables (diminution des doses d’anesthésiants, diminution de la douleur) . L’hypnose nécessite un savoir-faire pour ramener le patient à son état de conscience initiale et des compétences cliniques pour évaluer l’état psychologique du patient et son évolution, compétences que possèdent les médecins, les anesthésistes réanimateurs et les psychiatres.

L’hypnose médicale

L’absence de réglementation signifie-t’elle que tous les professionnels de santé peuvent la pratiquer à condition d’être formés ? Et quelles formations sont adaptées ?

Comme nous venons de le voir, l’hypnose est un acte médical selon les études de l’INSERM, les positions du Ministère de la Santé et le CCAM. Elle induit des modifications de la conscience et nécessite des compétences précises. Un professionnel de santé mal formé peut faire courir des risques au patient. Par ailleurs, certaines formations ne sont pas conformes aux règles précisées par l’ANDPC : formation d’une journée destinée exclusivement aux infirmiers, congrès d’une journée. Il est donc impératif de clarifier la situation de l’hypnose dans les soins et de se diriger vers une pratique encadrée, ar des personnes compétentes ayant bénéficié d’une formation rigoureuse. Pour un infirmier, voulant se former à l’hypnose, une formation de type Diplôme Universitaire, gage d’acquisition d’une formation complète, est recommandée. Cette formation doit prendre en compte les spécificités de la pratique de cet acte, pratique intégrée à un projet d’équipe sous encadrement médical.

Former à l’hypnose, certes, mais de quoi parle-t’on exactement ? Quelle différence entre l’hypnose des médias et celle des professionnels de santé ?

QU’EST CE QUE l’HYPNOSE ?

Il en existe plusieurs définitions.

Selon le dictionnaire Larousse , c’est :

  1. Un état de conscience particulier, entre la veille et le sommeil, provoqué par la suggestion.
  2. Un ensemble des techniques permettant de provoquer un état d’hypnose, utilisées notamment au cours de certaines psychothérapies.

Il est de coutume de laisser le terme en minuscule pour parler de l’état de conscience (« hypnose »), et de mettre une majuscule au mot lorsqu’on parle de la technique (« Hypnose »).

Pour Milton Erickson (1980), l’hypnose est un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet une communication, avec une compréhension et des idées, pour lui permettre d’utiliser cette compréhension et ces idées à l’intérieur de son propre répertoire d’apprentissages.

Pour Daniel Araoz (1982), c’est un état dans lequel les facettes mentales critiques sont temporairement suspendues, et où la personne utilise principalement l’imagination ou les processus de pensées primaires. Le niveau d’hypnose, sa « profondeur », dépend du degré d’implication imaginaire.

Pour André Weitzenhoffer (1988), les états de transe seraient un sous-groupe des EMC ; les états hypnotiques étant eux-mêmes un sous-groupe des états de transe.

Pour Léon Chertok (1979) L’état hypnotique apparaît donc comme un état de conscience modifié, à la faveur duquel l’opérateur peut provoquer des distorsions au niveau de la volition, de la mémoire et des perceptions sensorielles en I’occurrence dans le traitement des informations algogènes (de la douleur).

 Pour faire simple, l’hypnose serait donc un état de conscience modifié dans lequel le sujet est en contact avec sa créativité et son potentiel, mais où l’esprit critique est mis de côté ou diminué. C’est en quelque sorte un espace des possibles où l’on peut influencer l’inconscient et utiliser ses ressources.

Il existe plusieurs types d’états hypnotiques selon les signes (profondeur) et les phénomènes apparaissant chez le sujet (catalepsie, analgésie, anesthésie, distorsion du temps, amnésie, hallucinations…)

 L’hypnose est un état naturel que nous pouvons vivre plusieurs fois par jour (rêverie, cinéma, trajet sur autoroute… ) Ce sont des situations dans lesquelles nous perdons la notion du temps où nous sommes sur pilote automatique (l’inconscient). Autant dire que tout le monde vivant au quotidien cet état naturel qu’est l’hypnose, tout le monde est hypnotisable ! Les personnes difficilement hypnotisables seraient les personnes souffrantes de certains handicaps ou ayant de grandes difficultés de concentration ou d’écoute. L’hypnose est indissociable de la suggestion. La personne suggestible est avant tout dotée de grandes capacités d’imagination, de créativité et pas nécessairement faible. La suggestibilité est une grande qualité quand cette capacité est maîtrisée.

Nous recevons des suggestions par notre environnement depuis notre naissance. Et l’expérience d’hypnose thérapeutique peut être assimilée un déconditionnement, une ouverture à de nouvelles possibilités, voire une délivrance pour certaines personnes en grande souffrance. 

 Souvent, lorsque l’on parle d’hypnose, on imagine un médecin avec un pendule ou un homme charismatique dans un cabaret  ou à la télé qui crie « DORMEZ », claque des doigts et la personne s’effondre instantanément comme si elle dormait… Pour l’hypnothérapeute , cette hypnose spectaculaire dite « classique »  est une voie qui permet de faire basculer rapidement un sujet très suggestible dans un état de conscience modifié. Mais, tout le monde n’est pas aussi réceptif ou suggestible à ce type d’hypnose ! En effet, environ 1 personne sur 5 étant suggestible, les hypnotiseurs de spectacles réalisent une présélection des sujets par des tests progressifs de suggestibilité. Par ailleurs, cette hypnose classique est caractérisée par un style très directif et par la mise en place de suggestions directes (injonctions données avec un style plutôt autoritaire). Cette hypnose pionnière des années 1800, a néanmoins permis d’ouvrir la voie vers l’hypnose que nous connaissons aujourd’hui.

Milton Erickson  a développé les bases de la communication à l’inconscient, repoussant les limites de l’hypnose classique avec une prise en compte des spécificités du sujet et une adaptation du thérapeute aux perceptions et au monde du patient. A partir des travaux d’Erikson, de Gregory Bateson ou encore Paul Watzalwick, l’école de Palo Alto a développé les théories de la communication systémique. Dans la lignée d’Erickson, le courant de nouvelle Hypnose est né,  focalisé sur le développement personnel. L’hypnose Humaniste qui travaille en ouverture de conscience en fait partie.

Puis, il existe une Hypnose informelle, subtile, qui utilise tous les rouages de la communication Ericksonienne et de domaines transverses de la psychologie et de l’influence mentale pour communiquer et influencer la relation. En apparence, le sujet ne semble pas hypnotisé…. On parle d’hypnose conversationnelle ou de communication hypnotique, particulièrement utile  dans le contexte thérapeutique, de coaching et dans tout domaine de la communication (pédagogie, vente, marketing, politique, plaidoiries…).

ET L’HYPNOSE MEDICALE DANS TOUT CA ?

L’hypnose médicale est une technique qui plonge le patient dans un état de conscience modifié entre veille et sommeil (l’état hypnotique) qui permet au praticien d’intervenir pour soulager les maux et troubles. A l’aide d’associations d’idées et/ou de suggestions, le médecin aide le patient à comprendre, accepter, gérer certaines situations qui le font souffrir. L’hypnose médicale n’a donc rien de magique et la personne hypnotisée reste maîtresse de ses actes. Elle ne soigne pas la pathologie mais bien la façon dont la personne l’appréhende. Le patient doit participer, être capable de voir les choses autrement, ne pas être trop rigide, accepter de lâcher prise pour se laisser guider au cours de séances.

Les propriétés de l’hypnose médicale dans le traitement de la douleur ne sont plus à démontrer. Selon l’Académie Nationale de Médecine, l’hypnose médicale serait particulièrement intéressante pour traiter la douleur liée aux gestes invasifs chez l’enfant et l’adolescent et pour les effets secondaires des chimiothérapies cancéreuses. Elle est aussi pratiquée en soins palliatifs. Son efficacité a été également prouvée dans la réduction du stress en cas d’opération chirurgicale et peut être une aide complémentaire dans le traitement de la dépression. Par ailleurs,  l’hypnose est de plus en plus utilisée comme thérapie complémentaire lors des sevrages tabagique, à l’alcool, dans le traitement des troubles anxieux, psychosomatiques et du comportement alimentaire.

Le déroulé d’une séance : l’hypno-thérapeute choisit certains mots et/ou associations d’idées, pour placer le patient dans un état hypnotique qui va l’aider à atténuer ses troubles ou douleurs. Les séances se déroulent généralement sur le même schéma (phase d’induction, puis de dissociation-confusion et ouverture), mais le patient n’en a pas vraiment conscience, les praticiens étant formés pour s’adapter à chaque cas et modulant ainsi les séances.

COMMUNICATION HYPNOTIQUE

Dans le quotidien des infirmiers, l’hypnose comme science de l’intercommunication a toute sa place dans l’objectif d’améliorer la qualité des soins : lutte contre l’anxiété et le stress, aide dans la compréhension d’un diagnostic annoncé par le médecin, soulagement de la douleur chronique, aide dans la gestion des traitements médicamenteux et des effets secondaires, bientraitance. Elle facilite le travail des soignants et le valorise en remettant l’humain au premier plan.

De nombreux infirmiers sont par conséquent intéressés par ces formations à l’hypnose ou plutôt à la communication hypnotique. Ces formations améliorent, en effet, leurs capacités de communication, d’écoute et d’empathie (car tous les soignants ne sont pas dotés de l’empathie naturelle attendue d’un personne qui prend en soin une autre personne). Ces capacités, naturelles chez certains, sont en tous cas abordées lors de la formation initiale (dans l’UE 4.2 en particulier).

La communication hypnotique est un moyen de modifier les comportements des soignants avec un impact positif sur les patients. Elle peut être utilisée à tous les instants de la vie professionnelle après une formation courte ou une formation permettant d’accéder à une expertise sophistiquée. En effet, dans toute situation de soin (entrée au bloc opératoire, ponction veineuse, …), souvent anxiogène pour le patient, la relation peut être facilitée si le soignant a une attitude positive et utilise des moyens simples (verbaux, non verbaux, paraverbaux), témoins d’une capacité relationnelle renforcée et de la conscience de l’importance de la relation dans le soin. Est-il utile de rappeler que TOUT SOIN S’INSCRIT DANS UNE RELATION. Communiquer lors d’un soin, c’est établir un lien entre le soignant et le soigné, et ce lien peut influencer positivement ou négativement le soin. Au-delà des aspects formels de la communication sur lesquels on peut jouer (se mettre au même niveau que le patient, expliquer ce qu’on va faire, …), on peut aussi ajouter des éléments d’hypnose comme un exercice dit de dissociation hypnotique, faisant appel à l’imaginaire du patient. Cette communication hypnotique facilite le soin et permet aussi de désamorcer des situations difficiles ou en prévenir l’apparition. En induisant un léger état de conscience modifiée chez le patient, il peut facilement suivre des suggestions qui lui sont faites et s’appuyer sur son imaginaire pour mieux vivre le soin. Cette approche abordée dans l’UE 4.2 mériterait d’être approfondie.

La communication hypnotique (Interview de Antoine Bioy).   …… Une illustration de cela ? Lorsque vous êtes soignant et que vous devez effectuer un prélèvement en chambre, vous pouvez bien sûr suivre la règle du  » plus c’est bref, mieux cela sera « . On lance juste un  » ne vous inquiétez pas, ça ne va pas faire mal  » puis un  » attention, je pique « , et on pense que le patient va vite oublier tout ça. Mais précisément le patient n’oublie pas vite, et au second prélèvement aura une anxiété plus importante qui rendra le geste plus difficile. De plus, le ressenti douloureux sera accru, d’autant que le cerveau ne fonctionnant pas à la négative, lorsque l’on dit à un patient  » ça ne va pas faire mal « , et bien c’est le concept de douleur qui est éveillé dans le cerveau et qui rend le patient très vigilant à tout inconfort… Egalement, entrer dans une chambre, effectuer son geste avec certes précision et rapidement, exclue le patient de la relation, fait qu’il va se tendre, voire qu’il rentrera en confrontation avec le soignant  » vous me faites mal ! Je veux plus, stop ! « . Le même soignant peut rentrer dans la chambre, peut s’assoir pour préparer son geste, échanger quelques mots en étant à hauteur du visage de l’autre, présenter ce qu’il va faire en annonçant  » savez-vous que chaque inconfort peut être évité lorsque l’on sait mieux s’installer pour se détendre un peu plus ? Et pendant que je prends soin de votre bras, je vais vous indiquer comment vous pouvez faire « . Ensuite, un simple exercice que l’on dit de dissociation hypnotique, faisant appel à l’imaginaire du patient, suffit pour que le geste se passe simplement pour le soigné comme pour le soignant. C’est cela que l’on apprend dans la formation que nous proposons.   …….   Un exemple, cette fois avec un patient enfant ? Avec un enfant, on fait très volontiers de la distraction. Suivant son âge, on peut utiliser des bulles de savon, un jouet plein de couleurs et de mouvements, ou autre. Mais on peut aussi aller plus loin, et lui dire par exemple  » tu crois que c’est du chaud ou du froid qui peut endormir un peu ton bras pour qu’il ne ressente que ce qui va bien ? Du froid, OK, et tu pourrais souffler un peu de froid là juste ici où je te montre ? Mais il faut un souffle bien particulier, un peu magique, montre-moi comment tu fais… On accompagne l’enfant pour qu’il entre en hypnose progressivement en quelques souffles… Là, il est bien endormi maintenant ton bras ? OK, tu peux maintenant aller par la pensée dans ta chambre et me choisir un jouet qui va te câliner un peu ? « . Dans cet exemple, c’est le patient qui fait, il est expert, il prévient lorsqu’il est prêt, et ainsi il valide lui-même que tout va bien aller. Lorsque l’on obtient cela juste par ce lien appelé communication hypnotique, on sait que le geste se passera du mieux possible pour tous.   Antoine Bioy, Docteur en psychologie clinique et pathologique. Responsable scientifique de l’IFH. Responsable du cycle d’hypnothérapie. Hypnothérapeute attaché au CHU Bicêtre. Enseignant-Chercheur à l’université de Bourgogne.  

« … la communication hypnotique est l’application d’une technique relationnelle, qui cherche à séparer le patient de la réalité environnante, pour l’immerger dans un changement suggéré à l’imagination afin de procurer, dans le cadre de l’anesthésie, une analgésie ou une anxiolyse ».         SFAR 2009

La communication est la base de la situation de soins et la base de la relation soignant/soigné. Il est donc nécessaire d’adopter une communication   efficace et chaleureuse pour accompagner le patient, faciliter et faire accepter les soins,  motiver le patient à évoluer vers un mieux-être. Ce qui était jusque- là enseigné (communication bienveillante, empathie) est aujourd’hui insuffisant au regard des connaissances sur l’ hypnose et le cerveau

Author: sfl73_pass_Sa03Na08

DIPLOMES 1980 Diplôme d’Etat d’Infirmière 1996 Diplôme de Cadre de Santé 1998 DU de Soins Palliatifs 2007 DU Ethique Soins et Santé PARCOURS PROFESSIONNEL 1980-1983 Infirmière AU CHU de Rouen 1983-1995 Infirmière dans les services de Médecine et de Cure Médicale dans un Hôpital Local Faisant fonction de cadre à partir de 1989 Infirmière Coordinatrice du SSIAD rattaché à l’établissement en 1993 1996-2002 Cadre de Santé au CHU de Rouen dans différents services, de nuit puis de jour 2002-2005 Cadre de Santé en EHPAD dans un CH de la région Normandie, responsable de 6 unités de soins soit 167 lits et chargée de missions transversales (notamment la Gestion des Risques) 2005-2018 Cadre de Santé Formateur à l’IFSI du CHU de Rouen TRAVAUX REALISES: mise en place d'un SSIAD, Transmissions ciblées, Chef de projet sur la réalisation d'un film illustrant le protocole de pose d’une bande de contention veineuse et présentation dans différents congrès, évaluation de la prise en charge de la douleur, évaluation de l'éducation des patients sous AVK, référent SIIPS, Participation au groupe de travail sur la mise en place des CLAN (Comité de Liaison Alimentation Nutrition) à la DHOS, gestionnaire de risques, animateur d'un groupe d'évaluation dans le cadre de la certification, réalisation d'audits, participation à l'élaboration et à la réactualisation de protocoles de soins. PARTICIPATION AUX INSTANCES: Conseil d’Administration, Commission de Soins, CLAN.

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