Après avoir évoqué les pratiques des égyptiens, des grecs et des romains, je vais aborder rapidement les pratiques soignantes d’autres peuples telles que ceux de l’antiquité hébraïque, de l’Inde antique, de la Perse ainsi que celles des peuples dits « barbares » à cette époque, notamment celles des Celtes et des Scythes.
Dans l’Antiquité hébraïque
La plupart des connaissances sur la médecine hébraïque de l’antiquité au cours du Ier millénaire av. JC. proviennent de la Torah, c’est-à-dire des cinq livres de Moïse qui contiennent diverses lois relatives à la santé et à différents rituels. Ces rituels comme l’isolement des personnes infectées (Lévitique 13:45-46), le lavage des mains après avoir manipulé un cadavre (Livre des Nombres 19:11-19) et l’enfouissement des excréments à l’extérieur du campement (Deutéronome 23:12-13) ont été institués avant tout pour obéir à la volonté de Dieu , même si le respect de ces lois ont certains avantages pour la santé. Selon Max Neuberger, dans son Histoire de la médecine : « Les commandements ont pour objet la prévention et le contrôle des épidémies, l’éradication des maladies vénériennes et de la prostitution, les soins d’hygiène corporelle, les bains, la nourriture, le logement et l’habillement, la réglementation du travail, la vie sexuelle, la discipline du peuple, etc. Beaucoup de ces commandements, tels que le repos du Sabbat, la circoncision, les lois concernant les denrées alimentaires (interdiction du sang et de la viande de porc), les mesures concernant les menstruations et les suites de couches des femmes et des personnes souffrant de gonorrhée, l’isolement des lépreux et l’hygiène du campement sont, compte tenu des conditions climatiques, étonnement rationnelles. »
Dans la Perse antique
L’histoire de la médecine en Iran est longue et prolifique. Au carrefour de l’Orient et de l’Occident, la Perse s’est trouvée au centre de l’évolution de la médecine en Grèce et en Inde pendant l’antiquité. La première génération de médecins perses est formée à l’Académie de Gundishapur où l’on a parfois affirmé que l’enseignement hospitalier avait été inventé. Rhazes, par exemple, a été le premier médecin à utiliser systématiquement l’alcool dans sa pratique médicale. Mais comme Rhazes a vécu au VIIème siècle nous l’aborderons, tout comme nous évoquerons Avicenne, dans un article spécifique sur les grands savants de la médecine arabe.
Dans l’Inde antique
À Mehrgarh, au Pakistan, les archéologues ont découvert que le peuple de la civilisation de la vallée de l’Indus, dès les premières périodes de Harappan ( XXXIIIe siècle av. JC.) avaient des connaissances en médecine et en dentisterie.. Des recherches ultérieures dans la même région ont retrouvé des dents portant des traces de soins, datant de 9000 ans.
L’Ayurveda (la science de la vie), est un système de médecine savante et ésotérique originaire d’Asie du Sud. Ses prémices remontent à plus de deux mille ans. Ses deux textes plus célèbres relèvent de l’école de Charaka et Sushruta. Ces écrits présentent un certain nombre de similitudes avec les très anciennes doctrines médicales mentionnées dans la littérature religieuse des vedas, et les historiens ont apporté la preuve de liens historiques entre la naissance de l’āyurveda et celle des littératures bouddhistes et jaïns. Les premiers fondements de l’āyurveda auraient été bâtis sur une synthèse entre différentes pratiques anciennes de phytothérapie datant du début du IIe millénaire av. J.-C., avec un apport massif de concepts plus théoriques, de nouvelles classifications nosologiques et de nouvelles méthodes thérapeutiques datant d’environ 400 av. JC. et issues de familles de pensée incluant le Bouddhisme et d’autres inspirations.
Selon le traité de Charaka, le Charakasamhitā, la santé et la maladie ne sont pas déterminées à l’avance et la vie peut être prolongée par l’effort des hommes. Le traité de Sushruta, et d’après le Suśrutasamhitā, l’objet de la médecine est de guérir les maladies, de protéger la santé et de prolonger la vie. Ces deux anciens traités décrivent minutieusement l’examen du malade, le diagnostic, le traitement et le pronostic de nombreuses maladies. Le Suśrutasamhitā décrit de manière remarquable les procédures des différents types d’interventions chirurgicales, dont la rhinoplastie, la réparation des lobes d’oreille déchirés, la lithotomie périnéale, la chirurgie de la cataracte et plusieurs autres interventions chirurgicales.
Les classiques āyurvediques divisent la médecine en huit branches :
- kāyācikitsā (la médecine interne),
- śalyacikitsā (la chirurgie, comprenant l’anatomie),
- śālākyacikitsā (maladies des yeux, des oreilles, du nez et de la gorge),
- kaumārabhṛtya (pédiatrie),
- bhūtavidyā (médecine de l’esprit)
- tantra agada (toxicologie),
- rasāyana (la science de rajeunissement),
- et vājīkaraṇa (aphrodisiaques, principalement pour les hommes).
En dehors de ce programme, l’élève de l’Āyurveda doit connaître les dix arts indispensables à l’élaboration et à la mise en œuvre des médicaments :
- la distillation,
- la technique,
- la cuisine,
- l’horticulture,
- la métallurgie,
- la fabrication du sucre,
- la pharmacie,
- l’analyse et la séparation des minéraux,
- la formulation des métaux
- et la préparation d’alcalis.
L’enseignement des différentes matières est prodigué au cours de l’étude des cas cliniques. Par exemple, l’enseignement de l’anatomie fait partie de l’enseignement de la chirurgie, l’embryologie fait partie de la formation en pédiatrie et en obstétrique, l’apprentissage de la physiologie et de la pathologie est imbriqué avec l’enseignement de toutes les disciplines cliniques.
À la fin de leur formation, le gourou prononce un discours solennel adressé aux étudiants où il les exhorte à une vie de chasteté, d’honnêteté et d’alimentation végétarienne. L’étudiant doit s’efforcer de tout son être de bien soigner les malades. Il lui est interdit de trahir ses patients pour en tirer un avantage personnel. Il doit d’habiller modestement et éviter les boissons fortes. Il doit être discret et calme, mesurer ses paroles à tout moment. Il est tenu d’améliorer constamment ses connaissances et ses compétences techniques. Au domicile du patient, il doit être courtois et modeste et porter toute son attention au bien-être du patient. Il est tenu de ne rien divulguer de ce qu’il savait du patient et de sa famille. Si le patient est incurable, il doit garder cette information pour lui si elle est susceptible de nuire au patient ou à d’autres personnes.
La durée normale de formation d’un étudiant semble avoir été de sept ans. Avant l’obtention du diplôme, l’étudiant doit passer un examen. Mais le médecin doit continuer à apprendre par la lecture des livres, l’observation directe (pratyaksha) et par la déduction (anumāna). En outre, le vaidyas assiste à des réunions où l’on échange des connaissances. Les médecins sont également invités à prendre connaissance des remèdes atypiques des anciens, éleveurs, forestiers et paysans.
Tout ceci ressemble beaucoup à ce que nous connaissons !!!!
L’Ayurvéda a également influencé la médecine tibétaine.
La médecine chez les « barbares »
Les populations barbares connaissent également l’art de la médecine. On dispose malheureusement de très peu de témoignages. En effet, , ces sociétés, parfois sans écriture, ont privilégié les arts aux supports éphémères (le bois notamment). Strabon souligne la tradition du rôle de Marseille, cité accueillant les enfants des aristocrates gaulois, envoyés parfaire leur éducation dans des sortes d’universités où ils reçoivent des enseignements en philosophie, en économie (comptes publics) et en médecine. Le père du poète Ausonius est médecin à Bordeaux et ce métier est toujours à cette époque empreint d’hellénisme…
Les Celtes vouent un véritable culte à la tête humaine. Ils arborent les têtes coupées de leurs ennemis attachées autour de l’encolure de leurs chevaux et beaucoup de vestiges archéologiques témoignent de la pratique de rituels où la tête humaine avait un rôle primordial. Diodore de Sicile retrace également qu’ils embaument les têtes de leurs ennemis à l’huile de cèdre afin de les conserver dans des. Paradoxalement, ils pratiquent plutôt fréquemment la trépanation, avec un bon taux de réussite comme l’ont montré la découverte de quelques sépultures. En effet, celles-ci ont livré des individus ayant survécu à ces opérations lourdes et morts dans d’autres circonstances. Le matériel médical associé (trépan, scies, sondes, grattoirs…) a également été retrouvé, témoin des avancées techniques très élaborées permettant de mener à bien les opérations, par la technique du grattage (Sépulture de Münsingen) ou du forage au trépan trilobé (crânes de Katzelsdorf et Guntramsdorf en Autriche). Il semble que ces pratiques sont dépendantes de l’usage de stupéfiants qui permet au patient de résister à la douleur pendant l’ouverture du crâne. La nature permet de nombreuses possibilités.
Les Scythes ont développé un art figuratif très réaliste, et de nombreux bijoux, plaques de ceinture et vases portent des représentations détaillées de tous les aspects de la vie quotidienne, incluant des actes médicaux, par exemple : l’intervention d’un dentiste et un guerrier blessé à la jambe recevant des soins.
Les sources historiques mentionnent des remèdes mis au point par les Gaulois, dont les noms d’origine celtique se retrouvent chez Dioscorides, comme le souiuitis/ – le lierre, la sapana – le mouron des champs, ou le ponem, une espèce d’armoise. Le savon serait une invention gauloise (sapo), préparé avec de la cendre et du suif de chèvre (Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre XXVIII, 191). Enfin le traitement des yeux trouve des échos assez forts en Gaule, et Celse dit préférer la méthode « gauloise » pour le traitement de certaines de leurs affections (Celse, Chirurgie, livre VII, 7, 15 I).
A suivre